Dans cette rubrique, nous allons faire une petite analyse formelle du générique de la série. Ce générique, en réalité, est formé de deux parties : d’abord le générique introductif, une sorte de « pré-générique », identique pour chaque épisode ; ensuite, le générique particulier à chacun des épisodes. Pour le générique introductif, nous allons nous référer au guide que Jacques-Yves Depoix a consacré à Maigret, et dans lequel il relève que ce générique « met en place toute l’atmosphère si particulière à la série ».
Le générique introductif est découpé en différents plans. D’emblée, notons que si le générique est resté le même pour toute la série, il a connu deux étapes, la première concernant les 42 premiers épisodes, et la seconde les 12 derniers. La différence consiste en deux éléments : 1° l’image a été retravaillée au niveau de la lumière ; plutôt sombre dans la première étape, et dans une dominante bleu-noir (faisant contraste avec le jaune du texte), elle s’éclaircit par la suite, et la couleur de base prend une teinte brun-violet (voir le cuir du sous-main du bureau, et le cendrier) ; 2° le graphisme a quelque peu changé : les lettres aux formes arrondies prennent des angles plus aigus ; c’est surtout visible dans les images où se lisent les mots « Bruno Crémer » et « Maigret ». Pour que la comparaison soit parlante, nous avons choisi de l’illustrer par des images du générique du premier épisode produit (Maigret et les plaisirs de la nuit), et de celui du dernier de la série (Maigret et l’Etoile du Nord).
Le générique s’ouvre sur un plan fixe en plongée ; on aperçoit vaguement le dessus d’un bureau, des crayons dans un plumier, une blague à tabac, un cahier ; dans la première étape, l’image est très sombre, on distingue à peine les objets (la même remarque sera valable pour tous les autres plans) ; le texte qui apparaît varie en fonction des maisons de production impliquées dans un épisode.
Le même plan s’éclaire, comme si une porte s’ouvrait pour l’entrée de Maigret ; on distingue alors les autres objets sur le bureau : un porte-pipes avec six trous mais ne contenant que quatre pipes, une pipe posée sur le bureau, un cendrier, un sous-main de cuir, deux autres cahiers, une boîte d’allumettes, un cure-pipe.
Dans un travelling latéral de droite à gauche, la caméra suit la taille de Maigret, habillé d’un manteau, et qui s’installe devant son bureau, de profil ; il s’appuie de la main droite sur l’accoudoir de son siège, et tend la main gauche vers le bureau. Le manteau de Maigret apparaît plutôt bleu dans la première étape, et plutôt gris dans la seconde ; de même pour le bureau, bleu dans la première étape et brun-violet dans la seconde.
Suit un gros plan fixe sur la pipe que la main de Maigret attrape. Le travail sur la lumière fait apparaître la peau très claire, gris-beige dans la première étape, plus jaune dans la seconde. Le cendrier apparaît bleu-noir dans la première étape, bordeaux-violet dans la seconde.
Gros plan fixe sur les doigts qui prennent du tabac dans la blague puis bourrent la pipe. Même remarque au niveau des couleurs : la blague à tabac, bleue à l’origine, devient plus grise par la suite.
Gros plan fixe sur le fourneau de la pipe.
Après un plan fixe en plongée sur le bureau, où l’on voit la main de Maigret balayer les restes de tabac d’un revers, suit un gros plan fixe sur la boîte d’allumettes attrapée par la main. Le motif sur la boîte d’allumettes a un fond bleu dans la première étape, un fond vert dans la seconde ; le sous-main est bleu dans la première étape, et marron dans la seconde.
Gros plan fixe sur une allumette qui est craquée ; lumière aveuglante puis atténuée de la flamme ; le nom de l’acteur principal s’inscrit sur l’image. Dans la seconde étape, non seulement l’image a été retravaillée au niveau de la lumière, mais elle a été prise en un plan plus resserré.
Gros plan fixe sur le fourneau de la pipe, dont le tabac est enflammé par l’allumette ; de la fumée apparaît à gauche de l’image ; le nom de Crémer reste sur l’image.
Après un plan fixe sur l’allumette que la main de Maigret secoue pour l’éteindre, on voit un bref plan fixe de l’allumette jetée dans le cendrier.
En travelling arrière, la caméra part du côté droit de la pipe et s’éloigne de façon à montrer la silhouette de Maigret vue de dos ; on distingue son pardessus, son chapeau et des volutes de fumée éclairées par le haut ; le titre de la série s’inscrit sur l’image. C’est ici qu’on distingue bien les différences entre les deux étapes : le graphisme présente une variation dans la forme des lettres.
Vous trouverez, dans le guide de Depoix, une analyse sémantique de ce générique.
Comme dit plus haut, les 12 derniers épisodes de la série se démarquent des premiers par une image plus claire et une légère modification du graphisme. Celui-ci, s’il garde sa couleur jaune, voit ses lettres perdre leur arrondi et devenir plus aiguës. La première forme de graphisme a été conservée jusqu’à Maigret et la princesse (2002). Le graphisme reste le même tout au long de cette première étape, avec de très légères variations de teinte pour la couleur jaune. On trouve deux exceptions: Maigret et la nuit du carrefour et Maigret et l’écluse n°1 connaissent le même graphisme (et l’image éclaircie) que celui de la seconde étape. Pour les épisodes de la seconde étape, on voit d’abord un essai de graphisme le temps de deux épisodes (Signé Picpus et Un échec de Maigret), avant de connaître le graphisme définitif pour les 10 derniers épisodes.
Examinons à présent les génériques particuliers à chaque épisode, en nous concentrant sur l’image qui en donne le titre. Nous allons comparer ces titres pour voir comment ils se modifient en fonction de l’évolution de la série. Les épisodes sont étudiés dans l’ordre chronologique de production.
Pour les six premiers épisodes, le titre apparaît sans datation, laquelle se trouve mentionnée dans le générique final. L’épisode Maigret et la Grande Perche fait exception : c’est le seul générique dans lequel le titre est suivi du nom de Simenon. Notons que cet épisode, s’il n’a pas été le premier réalisé, a cependant été le premier diffusé ; cette mention du nom du romancier était une façon d’inaugurer la série en rendant hommage à Simenon. Les cinq premiers épisodes connaissent un même style de graphisme : lettres plutôt arrondies, avec un « o » plus gras que les autres lettres. Le nom de Maigret est formé de lettres épaisses, aux angles arrondis, avec la lettre « G », qui est au milieu du mot, plus grande que les autres. Par contre, pour Maigret et la nuit du carrefour, les lettres sont plus étroites, avec des angles plus aigus.
La principale innovation des sept épisodes suivants consiste en la présence, en dessous du titre, du copyright, mentionnant les télévisions coproductrices et la date de production. On notera que cette date apparaît d’abord en chiffre arabes, avant d’être donnée en chiffres romains. Les six premiers de ces épisodes reprennent le graphisme en lettres arrondies des épisodes précédents, avec une légère variation de couleur pour Maigret et le fantôme, dont la scène d’ouverture se passe dans la nuit, et dont la couleur orangée des lettres rappelle la couleur du coucher de soleil sur Helsinki qu’on découvre sur la première image qui ouvre le générique. Pour Maigret et l’écluse n° 1, on retrouve le graphisme déjà vu dans Maigret et la nuit du carrefour, avec une différence : le titre de l’épisode est donné en lettres majuscules.
Les onze épisodes suivants conservent le même emplacement pour le copyright et le même graphisme. Pour Maigret a peur, le titre de l’épisode est à nouveau tout en lettres majuscules. On notera le « M » en majuscule au milieu d’un mot dans le titre de Maigret et le port des brumes.
Le 25e épisode, qui inaugure aussi le deuxième renouvellement du contrat de Bruno Crémer, marque un tournant dans le graphisme : les six épisodes suivants reprennent, pour le nom de Maigret, les lettres aux angles aigus, qu’on va garder dorénavant dans la série. Pour les mots du titre, le graphisme conserve les lettres arrondies, avec à nouveau le « M » majuscule à l’intérieur des mots. Pour Maigret et l’inspecteur Cadavre, les mots du titre sont tout en lettres majuscules.
Les six épisodes suivants introduisent une nouvelle modification : les mots du titre sont désormais tout en lettres majuscules, à l’exception de Mon ami Maigret. Notons le graphisme particulier du « O » dans les mots du titre de Maigret voit double, qui fait écho au même graphisme avec lettres minuscules des épisodes précédents, ainsi que la datation en chiffres arabes du copyright de Maigret et la croqueuse de diamants.
Les six épisodes suivants restent dans le même style de graphisme aussi bien pour le nom de Maigret que pour les mots du titre : lettres aiguës pour le premier, et longues lettres étroites pour les seconds.
Les douze derniers épisodes n’ont pas un graphisme différent, si ce n’est que les lettres des mots du titre sont un peu plus épaisses que précédemment. Pour certains épisodes, elles sont marquées d’une fine ligne noire qui les fait paraître légèrement en relief.
Les modifications dans le graphisme du générique apparaissent liées au style de la série elle-même. Après une première époque, où la série a pris ses marques avec deux suites de contrat pour l’acteur principal, et dont le générique des épisodes connaît un premier style de graphisme, vient la deuxième époque et son nouveau graphisme, pendant laquelle Bruno Crémer s’installe définitivement dans son personnage, avec toutes les nuances qu’il saura y apporter au fil du temps. La composition du générique de chaque épisode est semblable tout au long de la série, et comporte des constantes : noms des acteurs principaux, du concepteur de la musique, du ou des scénaristes, de l’auteur adapté (Simenon), des producteurs, du réalisateur, et enfin titre de l’épisode. Ces différents éléments peuvent se rencontrer dans un ordre différent selon les épisodes, et certains peuvent ne se trouver que dans le générique final. Dès La Patience de Maigret, le générique initial suivra un ordre identique pour toute la série : noms des acteurs, du concepteur de la musique, des scénaristes, mention de Simenon, responsables de production, réalisateur et titre de l’épisode ; les noms des membres de l’équipe technique apparaîtront, en principe, dans le générique final. On constate une grande stabilité dans l’agencement du générique initial, passés les premiers essais des débuts de la série. Comme le générique introductif de la série, le générique de chaque épisode impose une allure représentative, avec les constantes qui font que le téléspectateur retrouve ses marques à chaque nouvelle diffusion d’un épisode.