De Maigret et l’enfant de choeur à Meurtre dans un jardin potager: l’ailleurs et l’autrement, ou un intermède inventif
Au cours de la deuxième saison, Crémer avait fait savoir qu’il comptait s’arrêter au bout de 24 épisodes. Il signe néanmoins un nouveau contrat, mais pour six épisodes seulement cette fois, car à l’époque, le principal producteur, France 2, hésitait à poursuivre l’aventure. Cette saison “intermédiaire” est marquée par une constante: toutes les enquêtes que mène Maigret se déroulent hors Paris. C’est l’époque où on emmène le commissaire dans les quatre coins de la France (et d’ailleurs pour les lieux de tournage). C’est comme si on voulait faire prendre un bol d’air à la série. Comme si on lui cherchait un second souffle. Il est à remarquer aussi que sur les 6 épisodes de cette saison, 4 sont des adaptations de nouvelles, dont deux dernières ne sont pas issues de la saga maigretienne. Un choix donc délibéré de donner un nouveau ton, plus léger et moins dramatique que dans les deux premières saisons.
Le choix porte cette fois sur l’adaptation d’une nouvelle, Le témoignage de l’enfant de choeur. C’est le tandem gagnant Dominique Roulet et Pierre Granier-Deferre qui s’y met, le second également à la réalisation. “Granier-Deferre, grand connaisseur avec qui nous avons beaucoup travaillé, adore choisir des nouvelles parce qu’elles lui permettent d’inventer beaucoup de choses. Comme nous avons les droits sur l’ensemble des Maigret, nous sommes libres de picorer en fonction de ce qui nous intéresse. Au départ, nous avons pris les romans parce que nous pensions qu’ils étaient plus forts, révélateurs de son univers, puis les auteurs que nous avons choisis nous ont guidé, en fonction de leurs envies.” (interview d’Eve Vercel en 2003) L’adaptation de nouvelles laisse évidemment une certaine liberté au scénariste, qui doit tout de même éviter l’écueil de la trahison envers l’auteur original. Mais le pari est gagné, et l’épisode se révèle une réussite: il est léger, plein d’humour, bien servi par les acteurs.
Le deuxième épisode est une adaptation d’un roman Fayard, Liberty Bar. Tourné en Afrique du Sud, l’épisode se joue autour de quatre femmes, au milieu desquelles Maigret alias Crémer se trouve comme un poisson dans l’eau !
Le troisième épisode est une adaptation d’une nouvelle, L’improbable Monsieur Owen. La scénariste Virginie Brac et le réalisateur Pierre Koralnik nous présentent un épisode au ton très léger, à la limite de l’auto-dérision. Crémer fait une fois de plus la preuve de l’étendue de son registre et de son talent, et les seconds rôles sont à la hauteur…
L’épisode suivant est une adaptation d’un roman de la période Gallimard, L’inspecteur Cadavre. Comme on retrouve Pierre Joassin, on va retrouver aussi la Belgique, pour une action délocalisée (l’intrigue du roman se passait en Vendée). Quelques modifications dans le scénario, mais qui passent très bien la rampe, un duel puissant Crémer alias Maigret contre Boudet alias Cavre, une très bonne interprétation des jeunes espoirs (Nade Dieu et Philippe Bas), tous les ingrédients sont réunis pour en faire une réussite…
L’adaptation de l’épisode suivant est une innovation: pour la première fois, on s’est servi d’un texte qui n’appartient pas à la saga de Maigret. C’est une nouvelle, Madame Quatre et ses enfants, qui a paru à l’origine dans un recueil intitulé Maigret et les petits cochons sans queue. C’est une nouvelle où n’apparaît pas Maigret, et c’est une gageure de rendre sa présence crédible; c’est réussi grâce à la fois au talent des scénaristes, l’incontournable duo Dominique Roulet et Pierre Granier-Deferre, et au talent de Crémer, de nous faire croire à l’authenticité de Maigret dans n’importe quelle situation. Un épisode qui mêle avec bonheur le fond dramatique et une certaine légèreté d’humour.
Le dernier épisode de la saison est à nouveau une adaptation d’une nouvelle sans Maigret, Le deuil de Fonsine, paru dans le même recueil mentionné plus haut. On retrouve les mêmes scénaristes, qui s’en donnent à coeur joie (et Crémer aussi !) dans un épisode tout en humour… Les seconds rôles sont, une fois encore, à la hauteur. Un vrai plaisir…